Optima

N.

On se serait donné rendez-vous. On aurait à peine parlé. Juste dis ce qu’il suffisait pour nous revoir. J’aurais été en avance. Lui en retard. Je l’aurais attendu. Assise quelque part sur un muret dans la rue. Puis je l’aurais vu arrivé, au loin. Il aurait un pas un peu précipité, mais une certaine retenue dans sa démarche. Comme s’il savourait cet instant. Qu’il avait tant attendu. Imaginé. Cet instant auquel il avait essayé de ne plus penser, parce qu’il n’y croyait plus. Mais finalement, je l’avais voulu. J’avais voulu le revoir. Pour m’assurer de quelque chose. M’assurer que cette flamme ne cesserait jamais de battre. Malgré la distance, malgré le silence.
Il se serait posté devant moi. Je me serait levée. On se serait souri. Il n’aurait rien eu besoin de dire. Je saurais, juste en regardant dans ses yeux sombre et lumineux ce qu’il n’oserait pas me dire. Merci. Merci de me laisser une chance. Une chance de te revoir. De te convaincre.
On se serait fait la bise. Lui, posant un simple baiser sur ma joue.
Je lui aurait demandé "ça va?". En le regardant droit dans le yeux. Pour lui demander si vraiment, ça allait. Il aurait eu un petit sourire, toujours cette étincelle dans le regard. Il aurait hoché la tête, d’un air soulagé, heureux.
On se serait mis à marcher. Comme ça. Sans se le dire. Sans but. Juste pour sentir nos deux corps se mouvoir l’un à côté de l’autre. Et j’aurais sentit mon cœur battre. Pas forcément plus vite que d’habitude, mais plus fort.
On aurait parlé, un peu. Juste pour s’assurer plus encore de la présence de l’autre.
Puis on se serait assis sur les marches de l’église. Avec le monde autour de nous qui continuait de vivre. D’aller et venir.
On se serait tu. Longtemps. On aurait regardé une petite fille d’environ 5 ans chahuter avec un petit chien. Puis, j’aurais tourné la tête vers lui. Il regardait le ciel d’un air concentré. Mais légers aussi. Sans pudeur, j’aurais savourée les traits de son visage. Sa carnation. Sa barbe. Sa bouche, généreuse.
J’aurais eu envie de le toucher. Mais je ne l’aurais pas fait. Je l’aurais juste regardé. Admiré, contemplé.
Puis il se serait tourné vers mois. Surpris. Gêné de constater que pendant de longues minutes, mes yeux n’étaient rivés que sur lui. Puis il aurait souri, comme pour me le pardonner. Et je lui aurais rendu son sourire.
On serait resté comme ça, yeux dans les yeux un moment. Et se serait plus intense que n’importe quel mots, que n’importe quelle caresse, que n’importe quel baiser. Juste nous.
Et puis mes yeux seraient retournés vers la rue. Je me serais mise à parler. Vite. Saccadé. Un monologue de cinéma. "Je peux pas. Je suis désolée, je peux pas. J’ai trop peur. Pas de toi. C’est juste… trop compliqué pour moi. Je t’aime. Et justement, ça me fait peur. Je ne veux pas un jour ne plus t’aimer, ce serait pire que tout. Pire que de ne pas t’aimer pleinement. Je sais pas si tu peux comprendre. Je sais que tu te poses tout autant de questions que moi, mais pas les mêmes. Je veux pas vivre dans un monde où on serait… loin l’un de l’autre, sentimentalement. Mais si je t’aime aujourd’hui, je prend le risque que… qu’un jour tu m’énerves. Qu’un jour, peut-être, je te déteste. Je te regrette. Alors qu’est ce qu’on fait avec sa. Et puis merde, je me fais surement des idées. Tu peux séduire presque tout le monde avec ton charme et tout et tout alors franchement qu’est ce que je crois. Et puis d’abord, si on avait vraiment du être ensemble, on le serait peut-être déjà!" Je n’aurais pas le temps de finir. Il aurait pris mon visage d’une main pour le tourner vers lui. Puis il aurait posé sa bouche sur la mienne. Pour me faire taire. Pour prendre cette décision pour nous deux. J’aurais senti cette chaleur dans mon plexus solaire, là, au creux de la poitrine. Il aurait fini par me lâcher, par se reculer. Et j’aurais dit, d’un ai vaincu "ok".