Optima

"Cher Abdel, [...]"

Je regrette de ne plus avoir Facebook ce soir ! Haha, la raison m’amuse bien. J’ai fait des photos cette aprem. Autoportrait. Je ne l’avais pas fait depuis super longtemps et j’avais envie d’essayer, rapport à ma nouvelle couleur. Des fois, quand je fais ce genre de photo, ça ne marche pas. Genre… ça marche pas. Je suis moche sur chaque image. Et puis d’autres fois, comme aujourd’hui, ça marche ! Je viens de les retoucher et j’ai envie de les montrer à la terre entière. Enfin, à un peu de monde. Sauf que,... l’autoportrait n’est pas toujours bien vu. Je sais que ma famille n’aimerait pas ces photos. Ils trouveraient ça bizarre que je me prenne en photo juste… pour le plaisir. Mais s’il y a bien un endroit où l’on peut faire ça, c’est Facebook. Et probablement d’autres réseaux sociaux, j’sais pas. Ah ! en parlant d’autres réseaux sociaux, je pourrais mettre une photo sur mon compte YouTube ! En voilà une bonne idée. Ce sera toujours ça.
J’aimais vachement bien raconter ma vie sur Facebook. Je rendais les petites choses super excitantes (puisqu’il ne se passait rien d’excitant dans ma vie. Et c’est toujours le cas!). Mais en fait… ça faisait un peu pitié.
Enfin, j’ai eu raison de sortir de là. Voir tout mes anciens amis avoir une vie, c’était… eurk. Et puis, ça me faisait du mal aussi de voir les photos de mannequin de ma cousine. Langoureuse, sexy, froide, fatale.
Écrire ici, c’est vachement mieux. Enfin c’est différent… mais oui, quand même, c’est mieux.

Je n’ai pas fait grand chose aujourd’hui. J’avais mal au ventre. J’espère que ça ira mieux demain, je dois voir mon psy. Haha, il va découvrir ma nouvelle couleur. Je m’attends à tout et n’importe quoi comme réaction de sa part. Ce mec est imprévisible. Ensuite je dois aller à la pharmacie et si j’ai de l’argent, j’irai acheter du tabac.

Hier, j’ai fait un truc. Ça m’a… en fait, j’étais contente en le faisant. Mais c’est quand j’ai entendu le résultat que… uh. Ça m’a déprimé. Et ça me déprime encore rien que d’y penser.
C’est une vidéo qui parle d’Abdel, je lui ai écrit une lettre que j’ai ensuite lue en m’enregistrant. Puis j’ai mis la bande son sur des photos de mon quartier la nuit. C’est pas du grand art, mais le résultat est… intéressant. En tout cas, j’adore ma façon de lire, j’aime ma voix ! Ouais, c’est un peu bizarre mais vraiment, j’aime ma voix sur cet enregistrement. Je vais finir par mettre cette piste sur mon MP4 et l’écouter en m’endormant le soir. Ok, peut-être pas quand même… mais j’avoue que j’y ai pensé. Ça y est, entre ma voix et les photos, j’ai l’air narcissique. Bah écoutes, je m’en tape, pour une fois que j’aime plusieurs choses chez moi, je ne vais pas me priver de savourer ça. Enfin, ça m’a rendu triste parce que… je me fais pitié. On dirait vraiment une meuf paumée et désespérée et… limite folle quoi. Du coup, d’un sens, je suis satisfaite du résultat, mais d’un autre… en fait, j’assume pas je crois. Du coup, je vais probablement pas la publier… Je sais pas, j’ai du mal à y voir clair. Je mettrais le texte de l’enregistrement à la fin de cet écrit.

Avant ça, y’a un truc que je voulais dire. Ça va bientôt faire un an que j’écris ici. DÉJÀ ! Et j’aimerais beaucoup sortir tout ces mots de mon ordi. Je n’ai pas d’imprimante et ça ne va pas arriver tout de suite, malheureusement. Alors, j’avais pensé faire imprimer tout ça par une entreprise qui imprime des livres. Genre roman tu vois. J’ai trouvé un site qui fait ça et ce ne serait pas trop cher visiblement. Sauf que je n’arrive pas à mettre le texte en format roman. Et ça m’énerveeeee. Bon, y’a pas d’urgence, pour l’instant l’argent, je ne l’ai pas. Mais… putain je suis si débile que ça ? Bon, je trouverais bien une solution.

Sinon, dans deux semaine on va chez nos grands-parents. Oh, j’ai tellement pas le courage. Je vois pas ce que ça pourrais m’apporter de bon, vu dans quel état je suis. Un état de sociabilisation complétement merdique. Je veux bien voir mon psy, je veux bien voir ma soeur, mes frères, mes parents. Mais euh… c’est tout. Bon et j’ai rien contre la caissière et tout. Mais devoir parler avec des gens qui me connaissent. Qui me connaissent mal en plus. J’ai peur du reflet que je pourrais voir en eux. La meuf qui fait rien, qui n’a pas de vie sociale, même pas de projets. La meuf rien quoi.
En revanche bizarrement, j’arrive à parler avec des gens sur internet. Et encore, je n’ai envoyé aucun message aujourd’hui.

Bon. C’est tout pour ce soir, voici la lettre à Abdel, tu verras comme j’ai l’air… ah c’est désespérant.

"Cher Abdel,
Nous nous connaissons à peine. Pourtant, je prends le temps de t’écrire cette lettre. Je voudrais te dire toutes ces choses que, sûrement, tu n’entendras jamais. Malheureusement.
Comme tu le sais, je suis une personne… seule. J’ai une famille aimante, certes. Mais je n’ai pas d’amis ou d’amoureux, ou d’amants ou même de voisine avec qui parler de la pluie et du beau temps. Je suis seule. Alors, quand tu es venu me parler il y a deux semaines… j’ai cru… j’ai cru que nous pourrions devenir un peu plus que de simples voisins qui se saluent lorsqu’ils se croisent. J’ai cru que tu serais celui qui me redonnerait envie de sortir. Envie de voir du monde. J’ai cru que tu serais celui à qui je pourrais parler de la pluie et du beau temps, mais surtout de tout le reste. J’ai cru que tu m’inviterais chez toi, que tu viendrais chez moi, que tu m’emmènerais je ne sais où dans ta voiture. J’ai cru que tu serais celui qui me redonnerait foi en la nature humaine. J’ai cru… qu’enfin, je pourrais avoir un ami. Un confident, un pote avec qui rire ou pleurer. Une personne à découvrir. Une nouvelle terre à explorer. Oui, j’ai cru que… tu pourrais m’apprendre ces choses-là. Ces choses de la vie et de l’amour que je commence à oublier… Enfin, j’avais des attentes.
Mais les jours passent. Et rien n’arrive. Tu es là, sur le parking et tu ne jettes pas un œil vers mon balcon. Je suis là Abdel ! Est-ce que ça a de l’importance pour toi ? Est-ce que je compte pour toi ? Non. Je ne suis qu’une voisine. Une fille collante qui se fait des idées après quatre minutes de discussion.
Abdel, je ne veux pas être unique pour toi. Je ne veux pas être LA fille qui changera toute ta vie. Je ne veux pas vivre avec toi, je ne veux pas me marier avec toi ou je ne sais quelle connerie. Je ne veux pas entrer dans ta vie et foutre le bordel dans ton cœur. Non. Je ne veux pas te faire ce mal. Je ne veux que du bien pour toi, à mi temps. Laisses-moi t’offrir un peu de mon amour, un peu de mon humour, un peu de mon intelligence, un peu de mon corps.
Juste un peu, s’il te plaît.
J’ai envie de te voir me sourire, de t’entendre rire à mes blagues.
J’ai envie de te prendre en photo. De te filmer. J’ai juste envie de te voir là, face à moi, disponible.
Mais comme je suis stupide. Tu as tellement mieux à faire que de… t’occuper d’une meuf comme moi. Paumée, déprimée, mal assurée.
Mais… Abdel, tu as l’air… tellement généreux. Et solide et accueillant. Ne pourrait-il pas y avoir en toi une forme de… pitié pour moi ? Non. Ne viens pas vers moi par pitié. Non. Je veux que tu en ais envie.
Abdel, que dois-je faire pour attirer ton attention ? Pour espérer avoir la chance de respirer ton parfum plus de quatre minutes tout les deux ans ?
Abdel, je suis là, et je t’attends. Mais les jours passent et… mon incertitude est de plus en plus grande. Enfin bref, ai-je une chance de pouvoir un jour… recevoir de toi plus que quelques paroles polies ? Moi je suis là, je suis prête, je t’attends. Mais je ne voudrais pas non-plus t’envahir, te mettre mal à l’aise. Alors, si tu le souhaites, s’il te plaît, viens. Juste viens, on improvisera la suite. De toute façon, en ta présence, je deviens miraculeusement sociable, alors je n’ai pas peur. Je n’ai plus peur. Abdel, s’il te plaît..."